Texte
reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur, provenant du site http://clicquotdeschamps.free.fr/index.html
Les
Dallery
Tout comme la période
révolutionnaire, l’Empire et le règne de Louis XVIII puis Charles X furent
placés, esthétiquement parlant, sous le signe de la continuité.
Les organistes du temps de Louis XVI
étaient toujours en place (Guillaume Lasceux, Louis Séjan), régnant à la même
tribune, à moins qu’un rejeton ne leur ait succédé, dans la plus pure tradition
« dynastique » d’Ancien Régime (Gervais François Couperin, fils
d’Armand Louis, Jacques Marie Beauvarlet-Charpentier, fils de Jean-Jacques). La
musique qu’ils pratiquaient n’avait guère évolué : simplement les Judex crederis, devenus un temps batailles, au prix de modifications
mineures, étaient revenus à leur destination première. Tout au plus
remarque-t-on certaines pièces influencées par la musique militaire, très en
vogue sous
En condamnant les petits
instruments,
Depuis bien avant
Les Dallery demeurèrent globalement
fidèles à l’esthétique de François Henri Clicquot. Seule véritable nouveauté à
signaler – mais elle fit couler beaucoup d’encre par la suite –, la suppression
par Pierre François des Fournitures et Cymbales à Saint-Gervais (1811), à la
chapelle royale de Versailles (1817) et à Saint-Nicolas des Champs (1825).
Celle-ci était justifiée par une récente manière de traiter le plain-chant
(harmonisation au soprano sur le Grand chœur et non en basse sur le Plein jeu),
déjà pratiquée ponctuellement avant
Il n’en demeure pas moins surprenant
qu’un disciple direct de Clicquot ait sacrifié sans état d’âme une partie de
l’orgue d’Ancien Régime aussi caractéristique à nos oreilles que le Grand Plein
jeu. C’est que, dès avant
Quant au Plein jeu
[…] il est en assez mauvais état, on pourrait se dispenser de le remplacer,
attendu que ce jeu n’est plus d’une nécessité absolue et qu’il faut augmenter
les fonds et les flûtes de cet orgue, détail
infiniment plus intéressant, il suffira d’en recomposer un pour le Positif.[6]
La composition de cet instrument[7], pillé pendant
Le Plein jeu est cantonné au Positif,
avec neuf rangs sur trois registres, de même que le Jeu de Tierce, dépourvu de
Larigot. En revanche le chœur des « Flûtes » (dénomination donnée
alors à l’ensemble des jeux à bouche de
Les modernismes introduits par
Clicquot mais distribués jadis avec prudence sont répandus à profusion :
onze soufflets cunéiformes (quatre de plus que dans l’orgue Clicquot de 1769,
pour seulement trois jeux supplémentaires !), clavier de Bombarde – d’une
composition analogue à Saint-Sulpice – et deux Clairons également absents en
1769, Trompette et Hautbois de Récit
comme à Saint-Sulpice et Poitiers (le Positif disposant lui aussi d’un
Hautbois), Gros Nazard, 2e Clairon de Pédale, Clairon d’Echo comme à
Saint-Sulpice, enfin Basson 8 (à triple cône) disposé à
Même chose pour l’étendue des
claviers, ut1-fa5 comme à Saint-Leu mais avec l’ut#1 de Saint-Gervais, Echo au
mi2 au lieu du sol2 courant ; à
Seule entorse au plan postclassique
porté à son maximum de développement, un « Galoubet » (dont on ignore
la nature exacte), certainement plus anecdotique qu’autre chose.
On consultera également la
composition de Saint-Nicolas des Champs en 1825, après l’intervention de Pierre
François Dallery[8].
Aux deux Doublettes ont succédé autant de dessus de Flûte 8, renforcées par le
débouchage et manchonnage du dessus du Bourdon 8 Grand orgue (devenu par
conséquent Bourdon-Flûte 8), avec une Flûte 8 supplémentaire au Récit. Le
nombre total de fonds 8 ouverts s’élève donc à douze, dont huit pour les grands
claviers ! La suppression des Fournitures et Cymbale a permis le
réaménagement du plan des anches, avec la mise sur deux chapes de Bombarde
manuelle, sans doute pour faciliter son accord et sa stabilité, et une probable
modification du Positif : Clairon complet, dessus de Hautbois augmenté de
quelques notes graves[9].
Vincent Genvrin
[1] Guillaume Lasceux propose un Concert d’harmonie militaire dans son Essai théorique et pratique (1809).
[2] Pierre Dallery (1735-1812),
d’origine picarde, associé à François Henri Clicquot de 1767 à 1778 et ayant, à
ce titre, certainement travaillé à Saint-Nicolas des Champs. Nous avons vu
qu’il avait fait partie de
[3] Sur l’histoire des Dallery, voir la
remarquable étude de Denis Havard de
[4] Reproduite in extenso sur le site Musica
et Memoria.
[5] A la mort de François Henri,
l’orgue de Saint-Nicolas des Champs n’était toujours pas payé entièrement, plus
de treize ans après son achèvement.
[6] Loïc Métrope, Les grandes orgues historiques de Saint-Roch, 1994, p. 24 ;
nos italiques.
[7] Voir en annexe.
[8] On ignore si les modifications
constatées en comparant le rapport Molard (1795) et les relevés de
Cavaillé-Coll (1842) et Batiste (1845) ont été effectuées précisément à cette
date. On sait seulement que des travaux réglés 3500 francs ont été réalisés en
1825 par Pierre François Dallery (
[9] La composition d’origine du
Positif, et donc les éventuelles modifications apportées par Clicquot lui-même
puis par Dallery n’ont pu être déterminées avec certitude.