Dallery
et l’orgue de la cathédrale de Bourges.
Afin
d’éclairer nos lecteurs sur les travaux et la personnalité des Dallery, nous
citons ci-après de très larges extraits de la notice concernant l’orgue de la
cathédrale de Bourges, paru dans l’Inventaire National des orgues (Les Orgues du
Berry)[1].
C'est avec Pierre-François Dallery, facteur de grande réputation, que va
traiter la fabrique de la cathédrale. Dallery vient à Bourges examiner
l'instrument et remet le 24 novembre 1818 le rapport suivant (Archives
départementales du Cher, V dépôt 756)
Rapport
fait à MM. les fabriciens laïque et chanoine membres du Conseil de l’Église
Cathedralle de Bourges sur la situation de l'Orgue de la ditte
Cathédralle.
Par
Pierre François Dallery, facteur d'orgues du Roy et de la famille
Royale.
Messieurs
Appelé
par votre confiance, à l’effet de visiter l'orgue qui fait partie des ornements
de votre magnifique Église archiépiscopale je lai examiné dans toute ses parties
intérieures et extérieures, assisté de deux personnes prises dans votre conseil
MM. Romelot chanoine de la susdite, et Marcy fabricien laïque; il résulte de
notre visite les observations suivantes.
1° que
cet instrument est dans un tel état de dépérissement qu’à moins di renoncer il
faut le réparer de font en comble tous les jeux étant mutilés ou oxidés par la
rouille, née de l'humidité et de l'air, qui détruisent les meteaux les plus
dur.
2° Je
dirai plus, c'est qu’il y a 50 ans qu’au lieu de faire une bombarde au pied on
eut du déja s’occuper plus particulièrement de refaire des jeux dans
l’intérieur, plus nécessiteux qu’une Bombarde, dont les Basses sont en bois, au
lieu d’être en Étain ce qui auroit fait faire à l'Orgue trois fois plus d’effet,
et dont il avoit besoin dans un aussi grand Vase.
3°
J’ajouterai même que cette bombarde a été faite plutôt par spéculation de la
part du facteur, que dans la véritable vue d'améliorer l’orgue; je suis certain
de ce que j’avance.
4°
Tout ce qu’on y a fait depuis ne porte pas d’autre caractère que celui de
l’ignorence dont vous avez été victime faute par vous de vous être adressé au
Centre des Arts ou la Longanimité des réputation ne peut s’acquérir que par des
succès constamment couronnés. Je
sais que la crainte d’être entraîné dans des dépenses au-dessus de vos forces, a
pu vous décider à vous servir des occasions fournies par le Hazard, et que dupe
de certificats faits sous le manteau des cheminées ou au cabaret, vous avez
donné sans le vouloir dans les piéges tendus à votre peu de connoissance dans
cette partie et à votre crédule bonne foi; aussi il résulte en définitif qu’il
ne vous reste plus que la terrible spectative de renoncer à un instrument
d’absolue nécessité pour notre culte, ou de le faire refaire dans toutes ses
parties intérieures.
C’est
dans cette vue que je vais soumettre à votre décision deux moyens également
propres à faire disparoitre pour toujours les traces de la vétusté ou il est
aujourd’hui, vous n'avez plus qu’à choisir entre ces deux moyens :
Quelque
soit celui que vous adopterez je n’en déclare pas moins que nous arriverons au
même résultat à quelques jouissance de plus ou de moins; ou mon amour propre
aura seul à souffrir, mais ou vos espérances ne seront pas moins comblées;
puisque vous aurez un bon et très bon instrument.
Plein
de confiance dans vos bonnes intentions et convaincu que vous ne m'aurez pas
vainement appelé; vous allez lire dans le devis qui suit les articles de mes
obligations dont je me rends responsable pour
toujours.
[Signé:]
Dallery
Ce
même 24 novembre, la fabrique accepte les principales propositions du devis
joint à ce rapport, à l'exception toutefois de la réfection de la montre et des
modifications des buffets envisagées. Un « Traité pour la réparation de l’orgue »
est signé le jour même, pour un montant de 17 000
francs.
Mais très vite, Dallery regrette d'avoir laissé la fabrique libre de ne
pas accepter le devis « dans son entier»
: «Je me restreindrai de 1 000 francs s’il le faut pour qu’il soit dit que
l'orgue est de moi en entier », écrit-il à De Marcy le 12 décembre 1818
(Archives départementales du Cher, V dépôt 756). La fabrique, d'abord résolue « d’attendre jusqu’au mois d’avril prochain
», époque où Dallery doit venir à Bourges commencer les travaux qu'elle lui
a commandés, « pour prendre un parti sur
les nouvelles propositions » du facteur (Archives départementales du Cher, V
dépôt 756, lettre à Dallery, 3 janvier 1819), conclut le 11 novembre suivant un
contrat complémentaire relativement aux montres et aux changements à faire aux
buffets, pour la somme de 3 000 francs (Archives départementales du Cher, V
dépôt 756).
S'ensuit une véritable reconstruction de l'orgue de la cathédrale : tous
les sommiers sont refaits, avec leurs abrégés, et disposés de façon à permettre
l'entretien et l'accord, quatre sommiers au lieu de deux pour le grand-orgue,
quatre claviers manuels neufs à la console ; les neuf soufflets sont révisés ;
les montres et bien d'autres jeux sont refondus, les jeux de mutation sont
sacrifiés jusqu'aux doublettes qui disparaissent, il n'y a guère que les trois
cornets de grand-orgue, positif et récit qui ne soient pas touchés. […]
Le 21 février 1821, Dallery informe l'archevêque que l'orgue « sera en état d’être Entendu, et reçu »
le dimanche 4 mars. Il en profite pour lui joindre un projet de contrat
d'entretien - qui sera signé le 14 mars (Archives départementales du Cher, V
dépôt 756). Peut-être attend-il aussi quelque supplément de paiement
?
«Je supplie également votre éminence de joindre tout ce qu’elle veut bien
m’accorder de protection pour que je sois fait le plus riche possible pour m’en
aller à Paris, étant devenu bien pauvre à Bourges, en construisant un bel
instrument, où j’ai plus fait que mes forces et mes moyens et bien au-delà de
mes obligations et dont les dépenses me reviennent à 19500 francs.
»
Les ouvriers de Dallery songeront aussi, de leur côté, à compléter leur
salaire. Leur porte-parole, Boisselier, rédigera une note à l'attention de
«Messieurs les administrateurs
fabriciens » les informant « que les
travaux de l’orgue étant près de leur fin à dix ou douze jours prés il est
d'usage et non d’obligation dans les fabriques de Paris de donner un témoignage
de satisfaction a ceux qui y ont cooperé [ ;] en conséquénce nous nous
recommendons a votre générosité ». Ils recevront 30 francs le 18
mars.
Entre-temps, l'orgue a été reçu, avec forces éloges : le « procès-verbal de vérification et de
réception de l'orgue » est signé le 16 mars.
Lorsque le 4 juillet suivant «
Dallery fils » a achevé son travail de « repassage, entretien et accord de l'orgue
», le chanoine Romelot et Baland ont « reconnu que le tout étoit en bon Etat
et bien répare ». Le 14 juin de l'année suivante, même satisfecit : « Le tout nous a Paru
d'accord et en bonne harmonie » déclareront Romelot et de Marcy. Tout
est donc pour le mieux.
L’inondation
de l'orgue, nuit du 14 au 15 juin 1822
C'est le titre d'un dossier conservé dans les archives paroissiales de la
cathédrale déposées aux Archives départementales du Cher (V dépôt 756). Premier
témoignage, celui de Louis-Paul Dallery :
« L’an mil huit cent vingt Deux le quinze Du mois de
juin.
Nous soussigné Louis Paul Dallery fils facteur d'orgue du roi, certifions
qu’après l'acord annuel de l’orgue de la Cathedrale de Bourges et après la
verification faite par deux membres de la fabrique qui ont reconnus que le
travail avoit bien soigné et que les engagements pris avec la dite fabrique
avoient été remplis ponctuellement. et etant sur le point de mon départ, j’ai
été averti par monsieur Baland organiste de la dite Cathédrale que l’ouragan qui
a eu lieu dans la nuit du 14 au I5 avoit inondé toutes les parties de la tribune
et la soufflerie du dit orgue. Alors je me suis transporté au dit orgue pour
examiner si les domages ne s'etoient pas etendus plus loin, étant monté dans
l’intérieur de l'orgue accompagné de Meurs Baland, Romelot et [de
Marcy] nous avons remarqués que les sommiers avoient eté inondés et que les
registres ne pouvoient plus jouer. De manière qu’il ne reste plus à la
disposition de l'organiste que le petit buffet et quelques registres du grand
orgue qui ne suffisent pas pour donner a l’office la sollemnité dont il a besoin
dans une métropole.
Cela
est d’autant plus afflijant pour Mrs les administrateurs fabriciens,
que cet instrument venoit détre refait a neuf par Meurs Dallery père
et fils et que ce malheur occasionnera un autre réparation, qui est [est]
estimée par moi quinze ou dix huit cent francs.
Fait a
Bourges le 16 juin 1822.
[Signé:]
Romelot ch., Dallery fils, De Marcy,
Baland
orgte. »
A la
suite de ce rapport :
« Etat approximatif des réparations a faire a l’orgue de la Cathédrale de
Bourges par suite de l'ouragan dont il est parlé dans le procès
verbal.
1°
Demonter tous le jeux d'anche du grand orgue, et repasser ou changer les anches
et languettes que l’eau aura gaté et mis hors d'état de
servir.
2°
Demonter egalement les jeux d’anches de pédales au nombre de trois, savoir
Bombarde Trompette et Clairon, pour y faire les mêsmes reparations qu’aux autres
jeux du Grand orgue, et les remettre en aussi bon état qu’ils étaient avant
l'evénement.
3°
Demonter aussi la pédale de 4tre pieds dont une partie se trouve sur
les sommiers et dont l’autre partie est postée. Demonter le dit postage s’il est
besoin afin de donner a ce registre tout la liberté qu’il doit
avoir.
4°
Enlever les chapes des jeux demontes tant au grand orgue qu’aux pédales pour en
enlever les registres et regarnir en peau ceux dont l’humidité aura collé la
peau qui les garnissent encore sur la table des dits sommiers et qui empecheroit
que l’orgue fut absolument étanche [; ] si l’on neglijoit de le faire il
necessiteroit une autre reparation.
5°
Regarnir en peau le dessous des sommiers ou gravures que j’ai été obligé de
percér afin d’en faire ecouler l’eau qui etoit entré dans les dites
gravures.
6°
Remonter tous les jeux demontés tant du grand orgue que des pedales et leur
redonner la force dont ils ont besoin et qu’ils avoient
precedemment.
Ces
travaux faits dans toutes les regles de l'art du facteur d'orgues a dire
d’expert nommés par la fabrique et a ses frais seront executés pour la somme
port[é]e dans le procès verbal
precedent.
[Signé:]
Dallery fils
Fait a
Bourges le 17 juin 1822. »
Les
témoignages qui seront apportés les jours suivants ne veulent pas croire à un
accident naturel; et personne ne veut être taxé de « négligence »:
-
ni le
vitrier qui constate « que la rosette en
général était grandement mauvaise ; les panneaux annoncent ruine prochaine,
quoiqu’il n’y ait que 4 ou 5 petits morceaux de verre qui ont été cassés par la
grêle ou plutôt qui se sont échapés des plombs par le défaut de soudure, mais il
ne pense pas que l’ouverture de ces morceaux de verre qui sont cassés ou
échappés, aient pu faciliter le passage de l’eau ni de la grêle surtout en
quantité ». De toute façon, conclut-il, « toutes les fois qu'un orage ou un
grand vent éclate, je me transporte sur les lieux et j’examine avec soin tout ce
qui me concerne afin de vous en faire mon rapport, et, en cela, je me conforme
au règlement établi par la fabrique ».
-
Ni
l'architecte qui avait « d'abord penser
qu’il suffirait de couvrir le tout en toile cirée, ou imperméable », et qui
propose, « sur l’observation qui [lui] a
été faite, que déjà différentes parties ont été couvertes avec ce moyen et que
les rats les ont mangés », de «
couvrir chaque partie avec un chassis de fer blanc ». Il reconnaît cependant le 18 juin « que les vitraux de la rosette sont crevés
à plusieurs endroits soit par la grêle soit par vétuseté, et que la force du
vent a chassé a traver, une quantité assez considérable d'eau, pour gater les
sommiers et plusieurs autres parties de l'orgue, accident qui n'a pas eté
éprouvé de tems immémorial, il a fallu sandoute un ouragant aussi impétueux pour
produire un semblable effet, attendu que les trous existants aux vitraux sont de
très petites dimention ».
-
Et
surtout pas le chanoine Romelot, qui rapporte le 25 juin « que le 15 juin précédent, le Sr Balland
organiste, lui avoit envoié au Chœur
pendant la grand-messe capitulaire, un exprès pour le prier de se rendre
de suite aux orgues; qu’y étant arrivé, il avoit été arrêté à l’entrée de la
tribune par le nommé Baland fils, qui avoit la tête appuiée sur ses deux mains,
et courbé sur le siège d'une chaise, dans l’attitude d'un homme endormi, au
point que ledit Baland Père avoit été obligé de lui donner l’ordre de laisser le
passage libre, que lui Romelot avoit été d'autant plus surpris de voir dans les
orgues un jeune homme étranger à son service qu’il avoit été expressement
deffendu, et à plusieurs reprises audit sieur Balland organiste d’y laisser
entrer qui que ce fut, et sous aucun prétexte quelconque; qu’étant arrivé auprès
du clavier de l’orgue, ledit Sr organiste lui avoit fait observer
qu’il étoit impossible de tirer les registres du grand orgue; ce dont il s'est
assuré par lui-même; qu’étant monté ensuite avec le Sr Baland sur le plancher
qui est à côté du grand buffet, à la hauteur des sommiers, il s’étoit apperçu
que ce plancher étoit imbibé d'eau, mais seulement à l’entrée, et dans une
longueur de trois à quatre pieds, quoique ce plancher en ait au moins vingt de
long, et en outre que les portes ou ventaux qui ferment le fût de l’orgue de ce
côté n’avoient sur leur superficie extérieure aucune trace d’humidité ni d’eau
tombée dessus, ce qui devoit cependant avoir lieu, si l’eau eut jailli de la
croisée qui est vis à vis. Que le Sr Balland ayant ensuite ouvert les
portes, il lui avoit fait remarquer qu’il y avoit de l'eau dans les tuyaux et
sur le faux sommiers qui les portent, qu’alors lui Romelot en sa qualité de
maitre d'œuvre, avoit donné l'ordre au Sr Baland d’inviter le
Sr Dallery fils, facteur d’orgues qui se trouvoit alors dans cette
ville à se trouver avec lui aux orgues ce jour la même, à cinq heures du soir, à
l’effet d'en faire ensemble la visite ».
Voir
ci-dessus pour la suite des événements, mais la commission mise en place par le
conseil de fabrique conclut au terme de son enquête « qu’il étoit phisiquement impossible que
l’introduction de l’eau dans les tuyaux et les sommiers de l’orgue fut le
résultat d’aucun accident ni de l’orage du 14 juin dernier » et en vient à
soupçonner le jeune Baland, et le fils Dallery lui-même.
Sans prendre le temps d'interroger les jeunes gens, le bureau de la
fabrique décide, le 7 juillet, de
retirer les clefs de l'orgue à Baland qui, ulcéré par semblable accusation,
demande un rapport d'expert sur les causes de l'accident. De son côté, Dallery
père « apprend
au retour d’un voyage en Bretagne qu’une accusation grave » pèse
sur son fils (lettre du 18 juillet) : lui aussi exige « les preuves d’un délit
commis ».
A
la cathédrale, la tension est à son comble. M. Baland « n’a pas touché l’orgue aux offices des
dimanches 14 et 21 de ce mois », accuse la fabrique (V dépôt 668), qui
décide de lui écrire pour lui demander «
cathégoriquement s’il entend continuer ses fonctions ou s’il y renonce
absolument ». Ce même 21 juillet, justement, Baland écrit longuement au
conseil de fabrique (V dépôt 756) : il a appris qu'une demande d'aide déposée
auprès de la préfecture pour réparer les dommages causés à l'orgue s'appuyait
sur un procès-verbal de ce même conseil, en date du 19 juin 1822, déclarant que
« l’accident arrivé a l’orgue est l’effet
de l’ouragan qui a eu lieu dans la nuit du 14 au 15 juin, lequel par son
impétuosité a cassé des carraux de vitres, détruit les mortiers de vitraux
existans derrière le buffet et introduis des grelons qui ont fondu dans les
tuyaux, et dont l’ eau en provenant a penetré dans les sommiers et empêché
le jeu des registres ». Une telle déclaration l'innocentait de toute
négligence, et son fils de tout acte de malveillance ! Quelle raison le conseil
pouvait-il avoir de lui retirer sa confiance après plus de trente ans de service
à la cathédrale […] ? Pourquoi « Monsieur Romelot » avait-il « insinué a une personne qui le repéterait
devant lui, que Mr Dallery et mon fils étans ivres, ont imaginé de
prendre l’eau dont se servent les maçons aux réparations et à la jetter dans
l’orgue, ah ! Monsieur l’abbé Romelot, vous avez bien voulu ignorer
l’impossibilité de commettre cette horrible action, comme vous avez oublié cette
charité chrétienne qui nous défend a tous de nous servir du poison de la
calomnie. Si ce reproche m’avait été mis sous les yeux, j’aurais prouvé à
Messieurs les membres de la fabrique que le fait invraissemblable par lui même
(par la position des choses et le danger d'être vu) etait faux et controuvé; que
jamais mon fils ne s’est pris de vin, que Monsieur Dallery fils n’a jamais été
apperçu dans un état de gaité que donne le défaut d’avoir un peu trop bu, et que
tous les deux se sont couché la veille a une heure qui met leur conduite a
l’abri de tout reproche ! Est-il présumable au surplus que ces deux jeunes gens,
ou l’atmosphere embrasé annoncait un orage epouvantable, et au moment ou cet
orage eclatait et inspirait la terreur, ussent concu l’horrible projet, l’un de
détruire son propre ouvrage et l’autre d’endommager un instrument qui faisait
les délices de son père» ?
Cependant,
la fabrique considère le 28 juillet que son organiste est démissionnaire, et
décide dans sa séance du 20 octobre 1822 d'admettre « M. Chapuy professeur de musique et
organiste de l’église paroissiale d’Issoudun » comme organiste en
remplacement de Baland (V dépôt 668). Mais Chapuy, le 24 octobre, refusera le
poste : le traitement de 600 francs qui lui est proposé ne lui paraît « pas suffisant pour soutenir une famille de
cinq personnes », et il a reçu le 23 « deux lettres anonymes, remplies de
sottises on ne peut plus grossières » et pense qu’ « une cabale » est montée contre lui (V dépôt
749)
Les choses vont alors commencer a s'arranger pour Baland qui écrit le 15
janvier 1823 au conseil de fabrique que des affaires l'ont appelé à Paris plus
longuement que prévu et que ses finances n'en sont que plus « écornées » : il a besoin d’argent, il demande qu'on lui
délivre son traitement (V dépôt 749). Et le 26 janvier suivant, la fabrique qui
n'a trouvé personne pour le remplacer, feint
de se montrer satisfaite et décide de lui payer son traitement (V dépôt
668).
L’état de l'orgue, lui, ne s'est pas arrangé pour autant. Et lorsque
Louis-Paul Dallery revient à Bourges pour procéder à l'entretien annuel de
l'instrument, il rappellera le 8 juin les dégâts causés
par « l'ouragant » et les
mesures qu'il avait prises alors « pour empecher que le mal ne fit de plus
grands progrès que ceux qu’il avoit
déja fait »; il fera rédiger le 12 juin 1823, pour se
garantir, un procès-verbal de réception pour le travail qu'il vient d’accomplir
(V dépôt 756) :
« Examen fait des differentes parties de l’orgue, nous avons reconnu
conformément à l’assertion du Sr Dallery qu’il existe dans quelques
parties des sommiers des ouvertures par lesquelles s’échappe le vent des
soufflets lorsqu’on l’introduit dans les gravures correspondantes ; que le
registre de la premiere trompette ne peut pas se tirer, et que le registre de la
bombarde à la main a la peine à se mouvoir, d’où il suit qu’il pourra d’un instant à
l’autre se trouver totalement arreté.
Ayant invité le Sr Balland à toucher les differens jeux, nous avons reconnu que plusieurs
des tuyaux des grosses tourelles parlent à peine par suite des perte vent
susmentionnes, mais nous avons jugé qu’en totalité les differens jeux avoient
été aussi bien accordés que le permet
l’etat actuel de l’orgue. »
Quant à l'organiste Baland, il fera bientôt part à l'archevêque de
Bourges - le 19 décembre – des propositions qui lui sont faites par l'évêque
d’Orléans et son conseil à la suite du vif succès qu’il a remporté à l'occasion
de la réception de l'orgue de la cathédrale de cette ville : un salaire de 1000
francs par an et l'assurance pour son fils d'obtenir le poste après lui (V dépôt
749). A grand regret, Bourges ne lui offre pas autant : Baland partira donc pour
Orléans.
L’entrée
en scène de Louis Callinet
A
Bourges, le
conseil
de fabrique trouve à recruter un nouvel organiste en la personne de Salvador
Daniel. […] D’autre part, les fabriciens, qui ont
« cru devoir profiter du
passage du Sr Callinet facteur d’orgues » disposent depuis le 10 décembre 1823 d’un
devis de réparations dressé par lui (V dépôt 756).
« Nous Louis Callinet, facteur d'orgues, associé de Mr Somer,
aussi facteur d'Orgues, demeurant à Paris,
faubourg St-Martin, N° 35, étant de présent à Bourges, avons sur l’invitation de Mgr.
l'Archevêque et les Membres de la fabrique de l’Eglise métropolitaine, visité l’orgue de ladite Eglise en présence
de deux Membres du Bureau particulier désignés à cet effet, et d'après notre
examen dressé le présent devis.
Art.
1 er
La
première Trompette du grand orgue étant hors de service, vu que le registre ne
peut mouvoir à cause du gonflement des peaux par suite d’inondation, il est
nécessaire de démonter le clairon et cette première trompette, et de refaire en
même temps le balancier en fer, parce qu’il est trop faible. Ces objets seront
remis en bon état, bien parlant et d’accord, pour la somme de
250f.
Art.
2e
La
plupart des tuyaux de la montre de 16 au grand orgue octavient, sont faibles et
tardifs à parler. Les tuyaux de la montre de 8 pieds et du prestant, dans la
première octave des basses, octavient pareillement. Ces trois jeux seront
réparés pour 120 f.
Art.
3e
Les
tuyaux de flûte du grand orgue ne se suivent pas d’harmonie; il est nécessaire
de les démonter pour égaliser les jeux et les rendre d'accord. Cette dépense
sera de 80f.
Art.
4e
Tous
les jeux d'anche du grand orgue, c’est-à-dire la bombarde, les deux trompettes
et la voix humaine, doivent être visités en détail : plusieurs tuyaux manquent
d’harmonie. Cette réparation coûtera 60f.
Art.
5e
Dans
les jeux de pédales de 16, de 8 et de 4, plusieurs tuyaux sont muets et d'autres
manquent d'harmonie. Pour remédier à ces graves inconvéniens, il faut démonter
une partie des jeux d'anche des pédales, et rendre plus prompts à parler
plusieurs tuyaux de la bombarde, de la trompette et du clairon. Pour 100
f.
Art.
6e
Toutes
les vergettes des pédales ont besoin d’être ferrées d’un fil de laiton beaucoup
plus fort que celui existant, afin de faire parler plus promptement les tuyaux
130f.
Art.
7e
Les
pilottes du positif seront garnies d'une pointe en cuivre tarodé, pour y
recevoir une écrou en cuir, afin de régler le clavier et le rendre plus facile à
jouer. Tous les pilotes seront visités pour y ajuster d'autres tourillons enfer
et leur donner le jeu nécessaire pour produire un meilleur effet
30f.
Art.
8e
Tous
les autres jeux de l’orgue seront mis en harmonie, bien parlant et d'accord.
L’orgue sera rendu dans un état partfait à dire d'experts choisis par Mgr.
l'Archevêque et par MM. les Membres de la fabrique. Le tout moyennant la somme
totale de 770f.
Fait à Bourges, le 10 Décembre 1823.
[De l'écriture de Callinet : ]
J'aprouve L’ecriture ci dessu [signé :] Callinet.
»
Le 21 décembre, les
fabriciens somment Dallery de faire les réparations qui
s'imposent.
«Observations sogrenües d’un soidisant facteur d’orgues parce qu’il s'est
mèlé, parce qu’il a travaillé chez moi, et que je l’ai chassé pour
insubordination et déconfiance. Le Sieur Callinet n'a aucune qualité à mes yeux
qui puisse l’autoriser à dresser un procès verbal contre celui qui a été son
maitre, il travaille passablement en bois mais pour juger son Maitre il a les
oreilles trop longues », répond
Dallery qui, le 22 janvier 1824, annonce sa venue « dans les premiers beaux jours
».
Mais Dallery ne viendra pas. Signification d'huissier, le 12 juillet, des
fabriciens mécontents. Renonciation « pure et simple » de Dallery le 29 avril
1825 (V dépôt 756).
[1] Les orgues du Berry, région Centre, Inventaire
National des orgues, ouvrage collectif réalisé par l’Association régionale
d’Etude et de Sauvegarde des Orgues (ARESO) sous la direction d’Alain
Cambourian, Editions Comp’Act, Chambéry, 2003, pp. 73-77. Nous remercions M.
Alain Cambourian de nous avoir autorisé à mettre en ligne cet article.
L’orthographe ancienne, y compris les accents, a été
respectée.