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D’une restauration de l’orgue de la Sorbonne

Index

  -  Protection

  -  Faisabilité d’une restauration

  -  Pertinence d’une restauration

  -  Conditions d’une restauration

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Cet orgue classé Monument Historique est menacé. En 1980 déjà, Pierre Hardouin écrivait : « Un instrument historique s’il en est un ! Seul orgue classique de Paris vraiment inchangé et finalement un des rares de France... On a donc, à la Sorbonne, un véritable testament de l’orgue français du XVIIIème ... à sauver ». Il recommandait à l’époque une remise en état sans concession, « aucun modernisme même valable n’étant acceptable dans la restauration d’un orgue justement situé dans une chapelle devenue aujourd’hui une sorte de musée ». En effet, le fait même que l’orgue Dallery de la Sorbonne soit libre de toute contrainte cultuelle et qu’il soit situé dans un contexte culturel fécond permet d’envisager une démarche exemplaire, claire, dénuée de précipitation, et scientifiquement rigoureuse.

Protection

Le premier impératif est incontestablement la protection de l’instrument qui, nous l’avons vu, est d’un grand intérêt organologique et patrimonial. Or en dépit de la « protection » administrative et de la difficulté d’accès, la sauvegarde physique de l’instrument n’est pas suffisamment assurée puisque des dégradations ont encore lieu. L’orgue a déjà perdu presque 50% de sa tuyauterie. Il faut agir vite pour que cessent ces déprédations. Il semble que la nomination d’un conservateur de l’orgue de la Chapelle de la Sorbonne soit d’ailleurs l’une des priorités. Un orgue qui ne sert pas se dégrade davantage qu’un instrument qui est utilisé régulièrement et qui est l’objet de l’attention et des soins de son titulaire. En l’absence de « titulaire » (puisque l’orgue n’est pas jouable), le Conservateur aurait la responsabilité de l’instrument et veillerait à ce que son état n’empire pas. Il pourrait alerter les autorités compétentes en cas de nouvelles menaces.

En attendant une éventuelle restauration, on devrait également envisager la réalisation d’un relevé extrêmement précis, tel celui effectué par Pierre Chéron à Saint-Maximin, ce qui permettrait aussi bien de réaliser une copie à l’identique que de reconstruire l’instrument en cas de catastrophe. L’état de l’instrument ayant à l’évidence évolué depuis l’inventaire de Pierre Dumoulin et le relevé de Bernard Dargassies, on disposerait ainsi d’un état des lieux exact.

Dans un article récent paru dans la Revue des facteurs d’Orgues Français, le facteur Laurent Plet préconise à juste titre, dans le cas d’un instrument particulièrement précieux – et nous estimons que c’est le cas de celui de la Sorbonne – des « études précises permettant éventuellement d’en effectuer une copie si on veut avoir une idée de ses possibilités musicales ».

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Faisabilité d’une restauration

Les techniques utilisées à l’époque classique – si bien détaillées dans le traité de Dom Bedos, L’Art du facteur d’orgue (1766-78) – sont aujourd’hui bien connues. D’excellentes restaurations ou reconstructions ont été réalisées en France ces dernières années, témoignant de l’assimilation par les facteurs d’orgues d’aujourd’hui du savoir-faire traditionnel nécessaire à de telles réalisations. La restauration de l’orgue Dallery de la chapelle de la Sorbonne dans son état d’origine est parfaitement possible et envisageable. En dépit de la disparition d’une partie importante de la tuyauterie, tous les éléments vitaux de l’orgue sont présents. Sa structure n’a pas été modifiée. Sa mécanique, sa console avec claviers et pédalier, sa soufflerie, ses sommiers et faux-sommiers sont présents et il est donc aisé de les réparer. Il reste suffisamment de tuyaux pour réaliser en stricte copie les tuyaux manquants. Les nombreuses similitudes entre la facture de Dallery et celle de son maître d’apprentissage François-Henri

Clicquot autoriseraient en outre à prendre certaines caractéristiques ou cotes des instruments de ce dernier comme modèle pour la reconstitution de certains jeux de l’orgue de la chapelle de la Sorbonne (on pense par exemple au jeu de hautbois dont celui de l’orgue Clicquot de Souvigny, Allier, pourrait donner une idée vraisemblable). Vue l’importance organologique de cet instrument d’une facture caractéristique de l’Ancien Régime, une restauration scrupuleuse à l’identique est la seule envisageable, à l’exclusion de tout ajout ou de toute modification. Comme le souligne Laurent Plet dans l’article déjà cité, la conservation sans aucune « amélioration » d’un instrument historique rare est « importante pour notre devoir de mémoire ».

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Pertinence d’une restauration

Répétons-le, la priorité est la protection et la sauvegarde de ce témoignage précieux de la facture française de l’Ancien Régime. Certains arguments peuvent prêcher en faveur d’une attitude d’immobilisme prudent : ne sait-on pas aujourd’hui comment sonne un instrument de cette époque ? Une restauration de cet orgue n’apporterait rien d’absolument nouveau. N’est-il pas souhaitable de laisser en l’état des orgues non restaurés du passé pour les générations futures qui auront d’autres connaissances et un autre regard sur ce matériel ancien ? Ne risque-t-on pas de commettre des transformations irrémédiables (ou à tout le moins irréversibles) et de perdre à tout jamais un témoin unique de la facture de Dallery ? Des restaurations désastreuses ont parfois défiguré des instruments précieux qu’il eût mieux valu laisser en paix… Dans certains cas, il convient d’envisager ce que Laurent Plet appelle une « conservation de type muséologique ». De cela, il semble qu’il faille débattre notamment au sein de la Ve Commission des Monuments Historiques.

De sérieux arguments pèsent cependant en faveur de la pertinence d’une restauration de l’orgue de la chapelle de la Sorbonne :

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Conditions d’une restauration

Trop souvent hélas, on le sait, la restauration d’un orgue crée un engouement qui n’est que passager. Une fois passée l’inauguration de l’instrument, celui-ci retombe trop vite dans l’oubli et les frais considérables engagés pour les travaux apparaissent alors injustifiés. Comme cela avait été énoncé lors du Colloque sur l’orgue de la Sorbonne en 2000, il semble donc essentiel qu’une éventuelle restauration de cet instrument s’inscrive dans un projet global d’animation musicale.

Dans un document interne à destination de la Présidence de Paris IV (daté du 1/4/2001), nous avions évoqué comme piste possible la création d’un Centre de Musique Classique et pré-Romantique française qui, articulé sur le contexte spécifique de la Sorbonne, permettrait d’envisager des activités complémentaires autour de l’orgue Dallery de la chapelle de la Sorbonne, comme suit :

Ainsi, la restauration de l’orgue historique Dallery de la chapelle de la Sorbonne répondrait à la fois à notre devoir de protection du patrimoine historique et à la vocation de formation, de recherche et de diffusion culturelle qui est celle de l’Université.


Pierre Dubois, 23 août 2005.
Université de Paris IV-Sorbonne
Président de Sauvegarde de l’Orgue de la Sorbonne

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